Wednesday, February 5, 2014

DU VIN BROMURÉ DANS MA GOURDE ...

Oui, du vin «bromuré» dans ma gourde pendant 2 ans durant la guerre d’Algérie (1954-1962) j’en ai eu comme tous les autres soldats. Moi, chroniqueur vinicole-gastronomique, je viens d’un beau pays du bon vin la France, où les garçons faisaient leur service militaire, et où on mettait du bromure dans la gourde, pour réduire parait-il nos ardeurs amoureuses. 
Le but était bien entendu durant mon service militaire de m’empêcher d’aller courir le guilledou, ou d’avoir des pulsions bizarres, ou encore d’aller attraper des trucs bizarres chez les filles à soldat !

Pourtant soldats Parachutistes, nous n’étions pas des animaux en rut! Le bromure est aussi un puissant anaphrodisiaque, c’est-à-dire qu’il ôte l’envie d’avoir des rapports sexuels. Il fut longtemps mis dans les plats et bidons à vin des soldats. Mon Grand-père  à la guerre de 14-18, mon père en 39-45 et moi-même pour la guerre d’Algérie avons tous connu le bromure. Le vin en France même ordinaire a toujours eu ses lettres de noblesse.

Parachutiste Jean Claude Denogens, ancien du 2e R.P.I.ma (Béret rouge).
Décoré de la Croix de la Valeur Militaire avec étoile de bronze.

Soyons bien à l’aise de dire que le vin des intendances militaires françaises, était un vin bien ordinaire. Le pinard (vin) qualificatif argotique désignant un gros vin rouge. Il a toujours eu comme synonyme bleu, bluchet, brutal, gingin, ginglard, ginglet, gros rouge qui tache, jaja, pichtegorne, picrate, picton, pive, pivois ou rouquin.  Il a une histoire liée à la Première Guerre mondiale où il fut «le vin du poilu». C’est là qu’il a eu son heure de gloire en le désignant comme «saint Pinard» ou «père Pinard».

Dès octobre 1914, l’Intendance avertie d’une prévisible guerre de longue durée, afin d’améliorer la vie dans les tranchées ajouta à l’ordinaire des troupes une ration de vin fort médiocre. Boire du vin aux armées était une nouveauté, car jusqu’alors, il ne faisait pas partie de l’ordinaire du soldat ni en temps de paix, ni en temps de guerre. «L’eau est la boisson habituelle du soldat», spécifiait le règlement intérieur des armées.

Le pinard et l’unité nationale, l’importance du vin dans l’imaginaire national est que celui-ci participait à une « mythologie identitaire », depuis le tout premier conflit franco-allemand. Déjà, en 1815, Pierre-Jean de Béranger intimait l’ordre aux «buveurs de Germanie» de déguerpir avant qu’ils n’aient «avalé tout notre vin».

La gourde et le quart militaire

Pour toute l’armée, du simple poilu au haut commandement, « Le père Pinard est un père de la victoire ». Pour chanter ses vertus et rajouter à sa gloire Max Leclerc composa «l’Ode au Pinard», glorifiant cette boisson nationale, Louis Bousquet, originaire du Languedoc, composa  «La Madelon», Puis, avec Georges Picquet pour la musique, il popularisa «Vive le Pinard», une marche militaire  qui fut  créée  par Bach lorsqu’il était au 140e de ligne. Mais comme le constate Olivier Parenteau,  ce vin de guerre ne rend pas belliqueux, il ne lie pas les soldats à la patrie et ne sert pas à diminuer l’ennemi: il apparaît  davantage  comme une «béquille du combattant». Dans la presse, des voix s’élevèrent (hommes politiques, éditorialistes) pour demander que le Pinard  «soit cité à l’ordre de la nation pour avoir concouru, à sa manière, à la victoire» il n’y eut pas de suite. Mais force est de constater que le vin fut considéré comme un facteur de l’unité nationale au même titre que la langue française.

L’ode au pinard

Salut ! Pinard de l’Intendance
Qu’as goût de trop peu ou goût de rien,
Sauf, les jours où t’aurais tendance
A puer le phénol ou bien l’purin.
Y’a même des fois que tu sens l’pétrole,
T’es trouble, t’es louche et t’es vaseux,
Tu vaux pas mieux qu’ta sœur la gnole.
C’est sûr comme un et un font deux,
Que les riz-pain-sel y vous mélangent
Avec l’eau d’une mare à canard.
Mais qu’y faire? La soif vous démange…
Salut, Pinard, pur jus des treilles,
Dont un permissionnaire parfois
Nous rapporte une ou deux bouteilles;
C’est tout le pays qui vit en toi.
Dès qu’on a bu les premières gouttes,
Chacun r’trouve en soi son pat’lin…
Et l’on se sens chaud sous les paupières.

Max Leclerc

Pour la Gloire du Pinard Max Leclerc composa

L’ODE AU PINARD